POUR UN LABEL PERMETTANT D’IDENTIFIER LES CREATIONS ARTISTIQUES HUMAINES
Nous sommes un collectif d’artistes, lecteurs, auditeurs, spectateurs, experts en IA, éditeurs,
producteurs, galeristes, libraires, journalistes, simples citoyens…et nous nous inquiétons que
l’accessibilité récente de l’intelligence artificielle générative (Chat GPT, Gemini, Bard, Midjourney,
Dall-e, Sora, Suno etc.), va profondément « changer » la société telle que nous la connaissons
aujourd’hui. Sa puissance est telle, qu’elle va bouleverser la vie de « chacun » d’entre nous. On peut
s’en réjouir à plus d’un titre, mais à condition d’être préparés à cohabiter avec cette nouvelle
intelligence.
Le monde culturel dans son ensemble est très préoccupé par la situation. Les créateurs, artistes de
tous secteurs, mais aussi l’industrie en général tentent d’y voir clair et de trouver des solutions. On ne
compte plus les conférences et les tables rondes où l’on partage inquiétudes et remèdes en tout genre
pour calmer les troupes. En regardant de plus près ce qui se passe dans le monde de la culture, on
peut mesurer l’impact du bouleversement à venir dans la société. Lors d’une récente conférence sur
l’impact des IA dans le cadre des états généraux de la photo organisée par l’ADAGP (Société des
Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques), on s’inquiétait de sortir du réel avec la fabrication
d’images photo-réalistes et de son impact sur la population. Faut-il à tout prix défendre le « réel » ?
L’origine humaine d’une oeuvre, c’est aussi une forme de réalité, de vérité. Lors de cet évènement,
Thierry Meneau, chef du service photo des Échos quotidien déclarait qu’ils interdisaient purement et
simplement toute utilisation d’images générées par l’IA.
Les créateurs se trouvent face à un choix cornélien, poursuivre leur création en ignorant les sirènes de
l’IA ou en tenir compte et se l’approprier. Ce dernier choix s’impose à tort ou à raison. Il n’empêche,
la création d’oeuvres d’origine humaine doit subsister, qu’elle soit ou non assistée par l’IA. Le simple
fait de devoir le préciser, montre à quel point elle est en péril. C’est pourquoi il nous semble
prioritaire d’identifier dès aujourd’hui les oeuvres créées par les humains, pour les distinguer de celles
générées par les machines.
Alexandra Bensamoun, Membre de la Commission interministérielle de l’IA et professeur de droit,
déclarait dans le rapport « IA : Notre ambition pour la France » remis au mois de mars 2024 au
Président de la République, qu’il y a une « nécessité d’aller dans le sens de la reconnaissance de la
création humaine, son identification, son caractère irréductible qui tient à son originalité et mérite
distinction et protection. »
Mais alors, comment identifier une oeuvre d’origine humaine ? Différents moyens sont expérimentés,
comme l’utilisation d’une IA pour détecter une autre IA, marquer les oeuvres générées par IA… Mais,
la problématique ne va cesser de s’amplifier, les systèmes de se complexifier, de gagner en puissance.
Il n’est déjà presque plus possible de faire la distinction entre l’origine humaine ou artificielle d’une
oeuvre. Alors, que faire ?
Il nous semble que la solution repose sur la responsabilité et l’engagement de l’artiste ou de l’entité
qui désire aller vers plus de transparence. C’est un « contrat de confiance » entre celui qui crée
l’oeuvre et celui qui la reçoit. Identifier l’oeuvre d’origine humaine est donc fondamental. Si nous ne
le faisons pas maintenant, nous risquons de nous retrouver inondés d’oeuvres dont on ne connaîtra
pas l’origine.
Nous avons donc décidé de promouvoir un label permettant d’identifier l’oeuvre d’origine humaine.
Un label qui répond à cette nécessité, de manière désintéressée, positive et éclairante. Il s’agit d’abord
et avant tout d’un acte déclaratif n’engageant que l’auteur qui déciderait de l’apposer sur son oeuvre,
pour revendiquer l’origine humaine de sa création. Celui-ci pourrait avoir recours à l’IA
comme « outil » mais il ne pourrait s’agir que d’une utilisation purement technique excluant tout usage
de l’IA dans l’élaboration créative et esthétique de son oeuvre. Le label « FABRICATION HUMAINE »
existe depuis peu, il a été utilisé pour la première fois le 5 janvier 2024 dans le domaine de la bande
dessinée sur l’oeuvre BUNKERVILLE (V. Balzano, P. Chind, B. Legrand, Ankama Éditions). C’est une
initiative citoyenne de l’auteur réalisateur Pascal Chind. Le label ne vise pas à stigmatiser le recours à
l’IA, mais de permettre à chacun d’agir en connaissance de cause.
L’art sous toutes ses formes crée des espaces de liberté. L’inaction pourrait entraîner une baisse de la
création, dont les conséquences pourraient à terme nous amener à nous poser l’ultime et dérangeante
question de notre « utilité » comme espèce.
Nous ne devons pas rester passif face à l’arrivée de la production artificielle. Il faut protéger la culture
d’origine humaine comme nous le ferions avec notre plus précieux patrimoine. La révolution de l’IA
générative appelle une réaction drastique, c’est une urgence nationale. Chaque citoyen a le droit
d’être informé, pour pouvoir faire ses choix de manière éclairée.
Nous voulons rassembler et fédérer autour d’une même voix les créateurs et tous ceux qui estiment
qu’il faut offrir aux citoyens la plus grande transparence sur l’origine de la création. Outre sa visée
informative, ce label est également un encouragement à la culture, à la création humaine et une action
positive et vertueuse dans un monde en plein bouleversement.
Remettons ensemble l’humain au coeur de l’équation !